Au pays des rennes
Après cette première expérience au pied des montagnes de l’Altai dans l’ouest du pays, nous voilà de retour à Oulan Bator bien décidé à poursuivre l’aventure Mongole.
Et là, grosse hésitations ! Sérieux dilemme entre le désert de Gobi au sud, un classique, et une autre destination, un peu plus exotique, tout au nord du pays près du lac Khovsgol (le petit frère mongol du célèbre lac Baïkal).
En fait, davantage que le lac, l’idée était de partir à la rencontre d’un peuple vivant isolé dans cette partie reculée du pays. A cheval entre la Mongolie et la Russie, cette minorité ethnique a la particularité de vivre quasi exclusivement de l’élevage de rennes.
Toute la question était de savoir si, l’hiver arrivant à grand pas, ce peuple nomade serait toujours accessible et surtout, localisable !
Et pour trouver des réponses, on a fait appel à Soko, une guide qui nous a été chaudement recommandée et qui a maintenant sa propre agence de voyage, Mongol Nomads. Après s’être assuré que les Tsataan (c’est leur nom) seront toujours dans la région avec leurs rennes, elle nous a organisé notre programme dans le nord et nous a dégoté une équipe de choc avec Ulzi, notre guide et Byamba, notre super pilote.
Après les éleveurs d’aigle, nous voici parti à la recherche des éleveurs de rennes (et pourquoi pas le père noël qui, paraît-il, traine parfois dans le coin).
Prêt pour le grand nord !
Alors, comme vous le savez, la Mongolie, c’est grand… super grand même !!! Du coup, pour rejoindre le grand nord depuis la capitale, il faut compter à minima deux ou trois jours… tout un programme !!! Et c’est avec un plaisir que l’on n’imaginait pas vraiment, que l’on embarque au petit matin à bord d’un nouveau « Uaz » en direction de la ville de Mörön, première étape de notre « expédition ». Au programme, un trajet d’environ 700km et d’une douzaine d’heure avec, on a de la chance, quelques portions asphaltées.
Une fois sorti de UB, on retrouve avec joie les paysages sans limite de la steppe mongole avec toutefois des différences notables avec la partie occidentale. Un peu plus d’arbre, moins de montagne et de chameaux, mais toujours autant de chevaux, chèvres yacks et moutons… voir même plus !
Et pourtant, malgré quelques courtes pauses et un rapide pique nique au bord d’une rivière, la route est looooougue, très longue et la piste est tellement défoncée que vous pouvez tout de suite oublier l’idée de piquer un petit somme pour faire passer le temps. Byamba nous fait un Paris-Dakar version mongol et on fait tout ce qu’on peut pour rester assis sur nos banquette (la ceinture n’étant de toute façon pas en option sur les Uaz) et garder notre estomac en place.
La pause dîner dans le petit village de Rashaant (Рашаант) est donc plus que la bienvenue. On en profite pour passer un moment avec des enfants du village avant de nous rassasier avec une bonne soupe au mouton (ça nous manquait presque). Il est presque 20h lorsque l’on sort de la gargote et il est clair que l’on ne va pas arriver à Mörön ce soir. Changement de plan de passer la nuit chez lui à environ une heure et demi de là.
Une lune de miel (très) romantique
Une fois arrivés chez Byamba, sa famille (ses parents, sa femme et son fils) nous ont chaleureusement accueillis avec le classique thé au lait, du pains, du beurre et du fromage. Après quelques conversations à demi endormis, nous nous sommes finalement écroulés sur nos matelas de fortune pour passer la nuit tous ensemble dans la yourte.
C’est assez marrant quand on y pense car ce voyage est aussi un peu notre lune de miel et depuis notre arrivée en Mongolie, nous dormons presque systématiquement avec à minima 5 ou 6 personnes dans la même pièce ! Assez romantique non ? En même temps, il faut reconnaître que c’est un réel plaisir de partager ces moments et de faire l’expérience de l’hospitalité des peuples mongols. Pour eux, partager leur maison avec des étrangers est la chose la plus naturelle du monde et il est clair que leur conception de la «vie privée» est assez différente de la nôtre.
Réveil aux aurores et c’est reparti pour une journée de montagnes russes mongoles en direction du lac Khovsgol. Le climat empire et la neige fait son apparition ce qui complique encore un peu plus la route. La conduite devient particulièrement difficile et c’est là qu’on comprend pourquoi il est vraiment nécessaire d’avoir un chauffeur quand on voyage en Mongolie. Byamba trouve son chemin quelles que soit les conditions de la piste et nous sort de toutes les ornières… vraiment impressionnant !
Malgré tout les efforts de notre pilote, on ne sera pas en mesure de rejoindre le petit village de Tsagaannuur sur les rives du lac Tsagaanoù on devait passer la nuit et on fait finalement halte dans un sympa petit hôtel à Ulaan-Uul. Grand luxe, ce soir on aura une chambre juste pour nous… youhouuuu !
Nuit tout confort avec un vrai lit et départ encore une fois au lever du jour pour ce qui devrait être la dernière étape du trajet. La neige fait des apparitions et rend les paysages encore plus incroyables et je dois dire que je me régale au niveau des photos même si j’essaye malgré tout de limiter les pauses pour qu’on arrive un jour !
Déjeuner à Tsagaannuur où après quelques échanges avec des locaux pour essayer de localiser les Tsataan, nous voilà reparti en compagnie de toute une famille que l’on va déposer un peu plus loin… la communication est malheureusement un peu limitée mais au moins on se tient chaud tous ensemble dans le Uaz.
Après environ une heure et demi de chemin quasi impraticable et alors que l’on commençait à se demander si on allait pouvoir arriver à destination, trois cavaliers surgissent du fond de la nuit de la forêt avec en guise de monture… des rennes !!! (on avait beau le savoir, ca fait quand même un choc la première fois). Ils nous ouvrent la voie et on parvient, enfin, jusqu’à leur campement.
Je parle de « campement » car on est bien loin d’un village ou de tout ce qui pourrait s’y apparenter. Là, au milieu de la forêt, ce sont en fait 5 ou 6 tipis éparpillés qui font office de « hameau » (si toutefois on peut tenter la comparaison).
Alors bon, il faut le dire, on a tous joué aux indiens et aux cowboys et dans notre imaginaire de môme, le tipi c’est plutôt un truc d’un autre temps qu’on voyait dans les westerns où les méchants indiens se faisaient gentiment massacrés par les bons cowboys (sauf peut être dans Danse avec les loups ou Pocahontas). Bref, un truc un peu surréaliste qui fait qu’on imagine difficilement qu’aujourd’hui, des peuples, même reculés, puissent encore vivre dedans.
Du coup, il faut bien l’avouer, voir ces vrais tipis au milieu de cette forêt et encore plus, rentrer dedans en se disant que l’on va passer là les prochains jours ne vous laisse pas indifférent… (ils vivent là dedans b**** !!!)
Si en plus vous ajoutez au décor une ribambelle de rennes qui se baladent au milieu de tout ça, vous vous retrouver, sans vous en rendre compte, avec une espèce de sourire béat collé aux lèvres. Oubliés le froid, les heures dans le Uaz et la fatigue accumulée… la réalité dépasse de loin l’imagination et le spectacle qui s’offre à nous restera, c’est certain, profondément ancré dans nos mémoires.
On est comme des mômes et après avoir fait connaissance avec nos hôtes, on ne résiste pas à l’envie d’aller voir les rennes d’un peu plus prêt.
Je sais pas si vous avez déjà au la chance de voir ces animaux dans leur environnement naturel (et non, le zoo n’est pas un environnement naturel) mais il faut reconnaître que c’est assez fascinant. Ok, la plupart sont attachés mais pouvoir s’approcher de ces animaux est une expérience assez incroyable. Du coup on reste là jusqu’à la nuit tombée avant de profiter de la famille et passer notre première nuit dans le tipi.
Il va sans dire que la nuit fût fraîche : le chauffage central est limité à quelques heures (après, tout le monde dort) et l’isolation, comment dire… inexistante. Mais qu’importe, demain, on va passer du temps avec notre famille d’accueil et leurs rennes.
Alors, qui sont les Tsaatans ?
Aussi appelés Dukhas, ils sont actuellement environ 40 familles Tuvan vivant dans la région de Khovsgol, dans le nord de la Mongolie, près de la frontière avec la Russie. Ils constituent l’un des derniers groupes d’éleveurs de rennes nomades au monde. Leur sens de la communauté est structuré autour des rennes, affirmant que si les rennes disparaissaient un jour, leur culture aussi. Ils utilisent le lait de renne pour fabriquer du fromage et des yogourts, et seuls quelques rennes sont abattus au cours de l’année pour la viande et les fourrures. Et évidemment, les rennes sont aussi leur meilleur moyen de transport.
Les Tsaatans relâchent leurs rennes tous les jours au petit matin pour les laisser manger le lichen dans les montagnes. Ce sont généralement les jeunes qui les gardent une bonne partie de la journée pour les empêcher de s’échapper, mais surtout pour les protéger des loups. Une fois de retour au camp en fin de journée, ce sont les femmes qui sont chargées de les traire.
Chamanisme, vivre avec les esprits de la forêt
La journée se passe tranquillement au rythme des Tsataan et en fin d’après-midi, on prend la direction d’un autre campement pour aller voir une chaman locale et assister à une cérémonie. Et pour s’y rendre, devinez quoi… on va chevaucher les rennes !!!
Alors, monter sur un cheval est déjà une expérience intéressante, à fortiori dans les steppes mongoles, mais chevaucher un renne est quelque chose que je n’aurais jamais imaginé. Il faut l’avouer, au début, on ne se sent pas super en confiance, d’autant plus que le mien avait des bois super grands et qu’à chaque fois qu’il bougeait la tête j’avais peur de me prendre un grand coup en pleine tête. Pourtant, une fois passé les premières minutes, on se sent un peu plus serein et on se laisse un peu aller en profitant du paysage. Un truc impressionnant tout de même, c’est l’agilité des rennes et la facilité avec laquelle ils se déplacent. Que ce soit dans la neige, la boue ou sur la glace, même avec 70kg sur le dos, ils se meuvent avec une espèce de légèreté déconcertante.
Bref, on était comme des enfants, qui n’arrivaient pas à croire ce qu’ils étaient en train de vivre…
On arrive finalement au second campement (beaucoup plus basique que le premier) et faisons connaissance avec la chaman.
Les Tsaatans pratiquent le chamanisme et croient que les esprits de leurs ancêtres vivent dans la forêt comme des animaux qui guident les vivants. Nous avons eu la chance de participer à une cérémonie de trois heures au cours de laquelle la chaman, incarnant ses ancêtres, a répondu à certaines de nos questions. Nous n’avons pas pris de photos mais vous pouvez voir comment la chaman s’habille grace à un petit dessin fait par Fiorella.
Après une nuit fut glaciale et particulièrement inconfortable, nous voilà reparti à dos de renne au petit matin en direction du premier campement pour aller garder les rennes.
On passe le plus clair de la journée à garder les rennes avec en bonus une petite excursion (toujours à dos de rennes) sur la montagne voisine pour prendre un peu de hauteur et profiter de la vue… impressionnant !
Retour aux tipis et dernier moment avec la famille avant les adieux. C’est sous la neige et à regret que l’on quitte finalement nos hôtes pour reprendre la route en direction du lac Khovsgol où nous allons passer les prochains jours.
Ce fût court certes, trop sans doute, mais partager le quotidien de ce peuple fût une expérience d’une richesse inattendue. Que ce soit leur accueil et leur hospitalité, les moments partagés, la vie avec les rennes ou même les paysages de cette région perdue, découvrir les Tsataan nous laissera, c’est certain, un souvenir impérissable.
Bonus track… la vie dans les tipis !
En conclusion
On a aimé :
- Partager le quotidien des Tsataan
- Monter des rennes
- Découvrir ce coin perdu de Mongolie
- Dormir dans un tipi
On n’a pas trop aimé :
- Le froid glacial de ce début d’hiver (surtout Fiorella)
Informations utiles :
Comment s’y rendre :
- Pour vous rendre à Mörön, vous pouvez prendre un bus depuis UB (environ 8h) et trouver un guide local sur place (ou juste un chauffeur avec son Uaz) pour vous rendre chez les Tsataan. Attention, en faisant quelques recherches on a vu que certains voyageurs ont eu de mauvaises expérience avec des agences locales de Mörön.
- Vous pouvez prendre une agence directement depuis UB et vous rendre en véhicule jusque dans le nord. C’est une bonne option mais gardez en tête que le trajet et long, entre 3 et 4 jours, selon les conditions. On vous conseillera bien sûr l’agence de Soko, Mongol Nomads qui, en plus de sa disponibilité, nous a organisé un voyage de rêve.
- Vous devez demander un permis spécial à Tsaagan Nur, car il s’agit d’une zone protégée.
Quand partir :
- Nous y sommes allés en octobre. Il y avait déjà pas mal de neige et un froid assez vif, en contrepartie on a pu profiter de paysages magnifiques sous la neige! Même si c’est la haute saison, la meilleure période est dans doute en été (juillet à août) car le climat est plus clément et la nature d’un vert éclatant. Le mois de septembre, moins touristique et pas encore très froid peut aussi être une bonne option.
Une fois sur place :
- Profitez de l’hospitalité des Tsataan et de l’incroyable expérience de partager leur quotidien.
- Restez avec les Tsaatan est une super expérience, mais si vous êtes attaché à un certain confort, mieux vaut vous abstenir. Il n’y a évidemment pas de salles de bains dans les tipis et vous pouvez oublier la douche pour quelques jours. Vous dormirez au chaud dans le tipi mais sur le sol ou peut-être sur des bouts de bois qui font office de lit et ne sont pas toujours des plus confortables. Un confort sommaire malgré tout largement compensé par l’expérience!
- Apportez votre propre nourriture, car les familles ne disposent que de la nourriture de base. Il y a toujours de l’eau dans les rivières mais il vous faudra bien sûr un filtre pour pouvoir la consommer.
Quoi emporter :
- Le confort sur place est plus que sommaire et, selon la saison, il peut faire froid, voir très froid. Prévoyez des vêtements chauds. Pour le reste, l’agence devrait vous fournir ce dont vous avez besoin.
- Prévoyez toujours quelques petits cadeaux pour vos hôtes et leur enfants. Préférez des « cadeaux » utiles tels que savons, piles, etc pour les adultes et crayons de couleurs ou cahier par exemple pour les enfants (éviter les bonbons car ils n’ont pas dentiste dans les environs)